La renaissance de la santé au Malawi: donner la priorité à la santé dans la poursuite d’une couverture universelle au cours de l’exercice 2024/25
10 mai 2024
Author: Mark Malema
Lucy Benala, infirmière à l'hôpital central du Malawi. Photo: Steve Lewis, VSO

Au fil des années, le Malawi a eu du mal à allouer suffisamment de ressources à son secteur de la santé. Cependant, l’exercice 2024/25 marque un changement important puisque le gouvernement alloue une partie substantielle de son budget à la santé, en lui donnant la priorité sur l’agriculture et l’éducation pour la première fois dans l’histoire. Cette augmentation représente une étape positive vers la reconnaissance du rôle central de la santé dans l’évolution socio-économique.

Pour réaliser la couverture sanitaire universelle (CSU) et l’objectif de développement durable (ODD) 3, un financement adéquat de la santé joue un rôle essential pour garantir des soins de santé abordables, équitables et accessibles. Outre l’ODD 3, le Malawi s’efforce d’atteindre diverses cibles en matière de santé, notamment les engagements de la Déclaration d’Abuja et de la Réunion des dirigeants africains (ALM)[1] en raison de ses énormes besoins sous-jacents en matière de santé. Par exemple, le pays est confronté à une charge de morbidité importante et à de mauvais indicateurs de santé, tels qu’un taux de mortalité élevé des moins de 5 ans de 37,8 par rapport à la moyenne de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) de 50 décès pour 1 000 naissances vivantes; taux de mortalité maternelle de 349 par rapport à la moyenne de la SADC de 297,8 décès; et une fécondité élevée de 4,2 enfants par femme contre un taux normal de 2,1%.

Le financement de la santé au Malawi dépend fortement de partenaires extérieurs, à hauteur de 55% des dépenses totales de santé, les dépenses publiques stagnant à 24% des dépenses totales de santé et les dépenses de santé privées s’établissant à 21% des dépenses totales de santé. Des études antérieures au Malawi ont établi un lien entre la lenteur des progrès en matière de santé et le niveau des ressources allouées à la santé[2]. Par conséquent, davantage de financement pour la santé est essentiel pour relever ces défis et améliorer les résultats des soins de santé dans le pays.

Cet article examine la dynamique de l’allocation budgétaire de la santé au Malawi dans le budget 2024/2025, donne une analyse des tendances de l’investissement dans le secteur de la santé, ce que cette augmentation signifie pour la fourniture de soins de santé et fournit des recommandations pour garantir plus pour la santé pour l’argent pour les Malawites.

Tendances en matière d’allocation budgétaire pour la santé

Comme le montre la figure 1, il y a eu une tendance positive à l’augmentation des allocations budgétaires de santé au fil des années, indiquant une priorité croissante accordée aux soins de santé au Malawi. En particulier, on observe une augmentation notable de l’allocation budgétaire à la santé, passant de 8,8% en 2023/24 à 12% en 2024/25. Au cours de l’année, le secteur de la santé a reçu 723 milliards de MK, qui comprennent à la fois la santé et le WASH (eau, assainissement et hygiène). Il s’agit d’une augmentation substantielle par rapport aux 330 milliards de MK alloués en 2023/24. Le budget du secteur de la santé, hors WASH, s’élève à 554 milliards de MK, soit une augmentation de 44% par rapport au budget 2023/24. Cela souligne la priorité accordée aux soins de santé en tant que préoccupation majeure du budget national global.

Figure 1 : Allocation au secteur de la santé en pourcentage du budget national

Source: Calcul à partir des chiffres du budget du Ministère des Finances, 2019-25

Principaux facteurs déterminants des allocations budgétaires du secteur de la santé

Le budget du secteur de la santé comprend deux parties: le siège du Ministère de la Santé (MoH) couvrant le siège, les hôpitaux centraux et les bureaux de zone de santé (Figure 2), et la santé de district couvrant les hôpitaux de district et les services de santé primaires (Figure 3).

Le Ministère de la Santé alloue des fonds pour acheter divers biens et services de santé, y compris les émoluments du personnel, couvrant les salaires et les avantages sociaux des travailleurs de la santé, ainsi que les dépenses pour d’autres transactions récurrentes (ORT) telles que les fournitures médicales et l’entretien. En outre, des fonds sont alloués à des projets de développement, certains soutenus par des donateurs et d’autres conduits par le gouvernement, visant à améliorer les infrastructures et les services de santé dans les établissements de santé.

Il existe cependant des disparités en matière d’allocation budgétaire entre les niveaux central et district. Le budget du siège du Ministère de la Santé a connu une augmentation de 79%, contribuant de manière significative à l’augmentation globale, tandis que le budget des services de santé de district a connu une augmentation de 10%. Il convient toutefois de noter qu’une partie du budget du siège du Ministère de la Santé, bien que gérée de manière centralisée, est allouée aux niveaux des districts et des soins de santé primaires lors de la mise en œuvre réelle (Figure 4).

Plus précisément, le budget Développement Partie 1, qui est géré de manière centralisée mais dont les allocations couvrent tous les niveaux de soins (y compris les soins de santé primaires), a notamment augmenté de 249%, couvrant principalement des projets financés par des donateurs dans le cadre du budget. Les médicaments et la réhabilitation des établissements de santé ont connu des augmentations substantielles au niveau du district (respectivement 14% et 47%). Les Autres Transactions Récurrentes (ORT) ont augmenté de 37% au niveau central et de 15% au niveau des districts.

Malgré les augmentations globales du budget, il existe quelques sujets de préoccupation. Premièrement, les allocations du volet Développement 2, qui soutiennent les infrastructures dans tous les établissements de santé, ont chuté de 38 % au niveau central. Deuxièmement, le budget des ressources humaines est resté inchangé malgré des taux de vacance élevés, s’établissant à 55%, ce qui pose des défis en matière de dotation en personnel dans le secteur de la santé. Enfin, l’augmentation significative du budget est en partie due à la contribution de 34% d’appui budgétaire des partenaires au développement. Après la suppression des soutiens financés par les donateurs, le budget national global de la santé n’a connu qu’une augmentation de 10%, ce qui est faible compte tenu des taux d’inflation élevés et des taux de change défavorables. Néanmoins, si l’on considère les niveaux de contribution aux ressources intérieures dans les trois secteurs les plus alloués (santé, éducation et agriculture), l’allocation de la santé reste une priorité absolue.

Figure 2: Principaux déterminants de l’allocation budgétaire de la santé au niveau central pour 2024/25, MK (milliards)

            Source: Budgets du ministère de la Santé, 2023-25

Figure 3: Principaux facteurs d’augmentation du budget de la santé en 2024/25 au niveau du district, MK (milliards)

Source: Calculs à partir des budgets du ministère de la Santé, 2023-25

Les investissements dans les soins de santé primaires ont augmenté, en partie grâce au soutien des donateurs

L’analyse budgétaire 2024/25 montre que l’allocation budgétaire pour les soins de santé primaires (SSP)[1] est passée de 36,2% en 2022/23 à 41,4% en 2024/25 en pourcentage du budget du district (Figure 3). L’allocation est alignée sur la réalité de la charge de morbidité au Malawi et les principaux déterminants de la santé sont largement influencés par la performance de son système de soins de santé primaires[2],[3].

Toutefois, la réserve réside dans le fait que les allocations allouées aux SSP ont largement bénéficié du soutien des donateurs et dans une moindre mesure des ressources nationales. Les données indiquent que le financement gouvernemental, soutenu par des ressources publiques, est essentiel pour obtenir une couverture et une protection financière efficaces par rapport à d’autres sources de financement. Il est donc essentiel que le gouvernement accorde la priorité à l’augmentation du financement du secteur de la santé[4].

Figure 4: Estimation des allocations pour les soins de santé primaires, en milliards de MK

Source: Calculs à partir des budgets du ministère de la Santé, 2023-25

L’impact d’une allocation accrue sur les résultats en matière de santé

L’augmentation globale des allocations à la santé offre l’opportunité d’accélérer les progrès en matière de santé au Malawi. L’augmentation du financement des services de santé de district suggère de se concentrer sur le renforcement de la prestation de soins de santé primaires et des services de santé au niveau local. Les augmentations notables des allocations pour les médicaments et la réhabilitation des établissements de santé au niveau du district témoignent des efforts visant à améliorer l’accès aux médicaments essentiels et à améliorer la qualité et la fonctionnalité des établissements de santé au niveau local.

L’augmentation de l’ORT au niveau central et au niveau des districts soutiendra le bon fonctionnement des systèmes de santé, garantira la disponibilité des ressources essentielles à la prestation de services et contribuera à la durabilité des programmes et opérations de santé.

Comment optimiser l’impact de l’allocation budgétaire

Si l’augmentation du financement offre la possibilité d’accélérer les progrès en matière de santé au Malawi, elle pose également des risques et des défis pour garantir que les ressources conduisent à des améliorations justes et durables. Pour tirer davantage de bénéfices de ce budget en matière de santé, il est essentiel de remédier aux inefficacités et au gaspillage au sein du système de santé qui entravent l’utilisation efficace des ressources.

La stratégie de financement de la santé met en évidence plusieurs domaines susceptibles de générer des économies, notamment la formation continue, la gestion de la chaîne d’approvisionnement, la prévention du vol de médicaments et de fournitures médicales, la gestion des contrats d’infrastructure et la résolution des systèmes de données fragmentés. Par conséquent, des efforts concertés doivent être axés sur la lutte contre la corruption, l’amélioration des systèmes de gestion des finances publiques et l’application de mécanismes rigoureux de responsabilisation pour minimiser le gaspillage et garantir une utilisation prudente des ressources.

En outre, le gouvernement du Malawi devrait réorienter davantage de fonds publics (ressources intérieures) vers les soins de santé primaires. En allouant une plus grande partie du budget aux soins de santé primaires, le gouvernement peut donner la priorité aux mesures de prévention et de favorisation des soins de santé, réduisant ainsi le fardeau des maladies évitables et améliorant les résultats globaux en matière de santé.

En outre, le gouvernement devrait diversifier ses sources de revenus nationaux afin de réduire sa dépendance à l’égard du financement des donateurs, garantissant ainsi un flux de revenus plus stable et plus durable pour les soins de santé. Il est important de noter que le gouvernement devrait donner la priorité aux investissements dans les domaines critiques, notamment les infrastructures de santé et la capacité de la main-d’œuvre, essentielles au renforcement du système de santé, et réduire les inefficacités dans divers domaines du système de santé.

Enfin, l’augmentation du budget global de la santé peut être attribuée aux efforts des différentes parties prenantes, notamment les députés, la société civile, le Ministère de la Santé, les partenaires au développement et notamment l’engagement politique du gouvernement du Malawi. Cela met en évidence l’efficacité d’un plaidoyer coordonné, de la détermination politique et de l’engagement des parties prenantes pour favoriser des résultats bénéfiques. À l’avenir, il est essentiel de maintenir cet élan, de s’inspirer des acquis pour établir des systèmes complets de suivi et d’évaluation pour suivre les progrès et s’attaquer efficacement aux nouveaux obstacles.

Conclusion

L’augmentation significative de l’allocation budgétaire pour la santé souligne une avancée positive vers la priorité accordée à la santé et au bien-être des citoyens malawites. Cependant, des efforts soutenus sont nécessaires pour remédier à la dépendance aux donateurs, aux inefficacités et aux gaspillages au sein du système de santé afin d’obtenir un impact maximal et d’assurer des améliorations équitables et durables des résultats en matière de santé. Le plaidoyer collectif, la volonté politique et l’engagement des parties prenantes seront déterminants pour susciter un changement positif et atteindre les objectifs de santé souhaités au Malawi.

Les références

[1] En février 2019, les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé les résultats de la Réunion des dirigeants en Afrique (ALM) et adopté des déclarations en faveur de la mobilisation de ressources nationales plus importantes pour la santé en Afrique.

[2] McGuire F, et al. (2020). Allocating resources to support universal health coverage: development of a geographical funding formula in Malawi. BMJ Global Health. doi:10.1136/bmjgh-2020-002763

[3] Les calculs sont basés sur la mesure comptable de l’OMS pour les ratios de distribution des soins de santé primaires et des NHA du Malawi (Measuring Primary Health Care Debs under SHA 2011 : note technique, décembre 2021. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2022)

[4] Malawi Demographic and Health Survey 2015-16

[5] Makwero MT. (2018). Delivery of primary health care in Malawi. Afr J Prm Health Care Fam Med. https://doi.org/10.4102/ phcfm.v10i1.1799

[6] Xu, K., A. Soucat, J. Kutzin, C. Brindley, N.V. Maele et al. (2018). Public Spending on Health: A Closer Look at Global Trends. Geneva: World Health Organization

 

Lié à : Faire progresser le financement, la gouvernance et la responsabilité de la santé au niveau national

 

Related To: