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Le monde est confronté à des défis de plus en plus graves liés au changement climatique. Des cyclones tropicaux dévastateurs en Afrique aux vagues de chaleur record en Europe, ses effets se font sentir partout et sont désormais qualifiés de « crise de notre temps ». Cette réalité pousse les chercheurs et les décideurs politiques à trouver des solutions pour préserver l’avenir. Au cœur de cette crise se trouve l’activité humaine, qui a suscité un débat permanent sur le lien entre la forte population et le changement climatique.
Ces débats persistent depuis des décennies, mais ils présentent un tableau contrasté. Certains chercheurs affirment qu’il existe un lien évident entre les grands pays peuplés et les émissions de gaz à effet de serre, suggérant que la croissance démographique contribue directement à la dégradation de l’environnement. Le raisonnement est le suivant: l’augmentation de la population entraîne une augmentation de la demande en énergie, en nourriture et en ressources, augmentant ainsi les émissions et accélérant la crise climatique.
Cependant, cet argument a ses limites. D’autres études mettent en garde contre une telle relation, qui pourrait être fallacieuse ou trop simpliste. La croissance démographique à elle seule n’explique pas la grande variation des émissions entre pays et régions. Ce sont plutôt les modes de développement, notamment la production d’énergie, la consommation des ressources et les consommateurs, qui jouent un rôle bien plus important.
Le rapport « État de la population mondiale 2025 » (SWOP) récemment publié par l’ONU apporte de nouvelles perspectives sur le lien entre la population et le changement climatique. Selon ce rapport, le changement climatique n’est plus seulement une question d’adaptation: il devient une raison pour laquelle certains remettent en question la nécessité d’avoir des enfants. Pour beaucoup, en particulier les jeunes et les personnes soucieuses du climat, l’avenir semble incertain, voire dangereux. Dans une enquête menée dans 14 pays, près d’un répondant sur cinq a déclaré retarder ou éviter complètement d’avoir des enfants par crainte de l’avenir, notamment de la crise climatique.
On sait depuis longtemps que le changement climatique influence les évolutions démographiques. Généralement, il se concentre sur la manière dont il augmente les risques de maladie, provoque des blessures et des décès dus aux conditions météorologiques extrêmes, ou perturbe les systèmes alimentaires et hydriques. Mais il apparaît désormais clairement que le changement climatique influence également la façon dont les gens perçoivent la reproduction. Les comportements en matière de fertilité évoluent en réponse à l’incertitude environnementale et la question de savoir si les futurs parents prennent en compte l’état de la planète dans leurs décisions devient plus importante que jamais.
Alors que la plupart des modèles démographiques examinent l’impact de la fécondité sur les conditions environnementales, des études plus récentes reformulent la question: comment l’instabilité environnementale influence-t-elle les choix de fécondité? Les recherches montrent de plus en plus que l’anxiété et l’incertitude liées au climat influencent les intentions de procréation. Les gens ne se demandent plus seulement s’ils peuvent se permettre d’avoir des enfants, mais si la planète le peut. Les préoccupations concernant la sécurité alimentaire, la pénurie d’eau et les environnements inhabitables ont rendu les décisions relatives à la parentalité plus complexes et plus chargées émotionnellement.
De plus en plus de données issues de contextes africains montrent également que les changements dans les régimes pluviométriques et la variabilité des températures, en particulier les sécheresses extrêmes ou les précipitations irrégulières, peuvent affecter significativement les préférences en matière de fécondité. De fait, une étude menée dans 18 pays africains a révélé que les femmes exposées à des conditions environnementales anormales étaient moins susceptibles de désirer des enfants, soulignant ainsi comment les expériences ou les perceptions d’instabilité influencent les décisions de planification familiale. Le changement climatique menace non seulement le bien-être physique, mais pèse également lourdement sur les perspectives mentales, façonnant la façon dont les individus imaginent l’avenir et la place qu’ils y occupent. Dans certaines régions, cela peut conduire à un désir d’enfants moins important en raison du stress économique et de l’insécurité alimentaire. Dans d’autres cas, l’inverse peut se produire, les familles cherchant à assurer leur travail ou à compenser une mortalité infantile élevée. Ces tendances montrent que le changement climatique n’a pas un impact uniforme sur la fécondité: il varie selon le contexte, soulignant la complexité du problème.
Il est important de noter que ce ne sont pas seulement les expériences vécues face aux défis environnementaux, mais aussi la perception qu’ont les individus du changement climatique qui influencent leurs intentions en matière de procréation. Les risques anticipés, tels que la pénurie ou l’insécurité future imaginée, peuvent être tout aussi influents que les expériences réelles sur les décisions en matière de fécondité. La crise climatique influence donc non seulement nos écosystèmes, mais aussi nos visions profondément personnelles de la famille et de l’avenir.
Pendant des décennies, le monde a débattu de l’impact de la croissance démographique sur la planète. Mais aujourd’hui, la fragilité de la planète influence notre perception de la population. Cette ironie devrait nous inciter à repenser tout ce que nous pensions savoir. Et cela commence par l’écoute.
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